Critique socialePlateforme de critique sociale, tous les textes sont libres de reproduction et de diffusion2024-03-27T23:45:32+01:00All Rights Reserved blogSpiritHautetforthttp://critiquesociale.hautetfort.com/Eugène Varlinhttp://critiquesociale.hautetfort.com/about.htmlVoter, c'est abdiquer.tag:critiquesociale.hautetfort.com,2012-04-22:46887732012-04-22T19:26:48+02:002012-04-22T19:26:48+02:00 Compagnons, Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n'est ni...
<p style="text-align: center;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Compagnons,</span></p><p class="p2" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;"><span style="text-align: justify;">Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n'est ni votant ni candidat, de </span><span style="text-align: justify;">vous exposer quelles sont ses idées sur l'exercice du droit de suffrage.</span></span></p><p class="p2" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Le délai que vous m'accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j'ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.</span></p><p class="p2" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;"><strong><span style="color: #808080;">Voter, c'est abdiquer ;</span></strong> nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c'est renoncer à sa propre souveraineté. Qu'il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d'une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu'ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.</span></p><p class="p2" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;"><span style="color: #808080;"><strong>Voter, c'est être dupe ;</strong></span> c'est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d'une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l'échenillage des arbres à l'extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l'immensité de la tâche. L'histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le "parlotage" a toujours abêti.</span></p><p class="p1" style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium; color: #808080;"><strong><span style="font-family: 'times new roman', times;">Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.</span></strong></span></p><p class="p2" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Voter c'est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l'honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-ils raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour.</span></p><p class="p1" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l'homme change avec lui. Aujourd'hui, le candidat s'incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L'ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu'il était avant d'avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n'apprend-il pas à courber l'échine quand le banquier daigne l'inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l'honneur de l'entretenir dans les antichambres ? L'atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s'ils en sortent corrompus.</span></p><p class="p2" style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium; color: #808080;"><strong><span style="font-family: 'times new roman', times;">N'abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d'autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d'action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c'est manquer de vaillance.</span></strong></span></p><p class="p2" style="text-align: center;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Je vous salue de tout cœur, compagnons.</span></p><p class="p2" style="text-align: center;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Élisée Reclus.</span></p><p class="p1" style="text-align: center;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Clarens, Vaud, 26 septembre 1885.</span></p><p class="p1" style="text-align: center;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;"><br /></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong><span style="font-size: large;">QUAND ON COUPE LE SON ET LES IMAGES,</span></strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong><span style="font-size: large;">IL RESTE ÇA :</span><br /></strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>Aux capitalistes de payer leur crise</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>Le changement c'est maintenant</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>L'écologie le vrai changement</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>La France forte</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>La France libre</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>La France solidaire</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>Oui, la France</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>Prenez le pouvoir</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>Soutenons le black block</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>Un monde sans la City ni Wall Street</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>Une candidate communiste</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>~</strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: medium; font-family: times new roman,times; color: #808080;"><strong>Qu'en restera-t-il lundi matin ?</strong></span></p>
Eugène Varlinhttp://critiquesociale.hautetfort.com/about.htmlÉlections, piège à cons !tag:critiquesociale.hautetfort.com,2012-04-15:46802542012-04-15T21:15:11+02:002012-04-15T21:15:11+02:00 ÉLECTIONS, PIÈGE À CONS ! Il est des...
<p class="MsoNormal" style="text-align: center;" align="center"><span style="color: #800000;"><strong><span style="font-size: 16.0pt; font-family: 'Times New Roman';">ÉLECTIONS, PIÈGE À CONS !</span></strong></span></p><p></p><p style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Il est des slogans qui ont la dent dure, qui se supportent tant qu’ils ne sont pas indicateurs d’une incontournable vérité, qui s’agrègent autour de ce que certains appellent « aigreur » et surtout, disons-le, une capitulation devant les symptômes de notre temps. Le bon citoyen doit voter, le mauvais citoyen lui fréquente les rives de la marginalité en se refusant de participer à l’œuvre collaborationniste de la conservation d’un système par le jeu antidémocratique d’une élection qui ne l’est pas moins, parce qu’il est certain que seul le renversement des conditions d’existence produites par le capitalisme instaure la véritable rupture.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Le pitoyable show de l’élection présidentielle, sans épargner une seule candidature, sans éprouver à leur juste valeur de soi-disant programmes de réconciliation nationale au nom du républicanisme nauséabond de quelques bonnes consciences molles, se révèle pour ce qu’il est, une mauvaise pièce de théâtre que seuls les acteurs de la soumission acceptent de jouer. L’insistance de quelques boute-en train tels le pitre Mélenchon, la très détestable Marine Le Pen, l’inconsistant Hollande, le barbare Sarkozy et les vestiges d’une extrême gauche qui se dissout dans le parlementarisme (« capitalo-parlementarisme » dirait Badiou), devrait être suffisante pour convaincre de ne pas voter, puisqu’elle fait la démonstration de la volonté affirmée de conserver les choses en l’état, y compris dans la revendication d’une VI<sup>e </sup>République, qui, à tout prendre ne serait qu’un addenda de la V<sup>e </sup>, une refonte « sauce gauche parlementaire » par députation de soi-disant représentants du peuple qui, nous le savons, sont au service des impératifs de la valeur marchande et de la libre circulation de toujours plus de marchandises inutiles et délétères, une Constitution toute neuve comme symbole d’une victoire dont nous savons d’ores et déjà qu’elle ne peut en aucun cas répondre aux aspirations du peuple, à sa volonté d’une démocratie qui garantit la souveraineté de celui-ci ; mais « démocratie directe » est un gros mot pour celles et ceux qui lorgnent déjà sur de potentielles bonnes places dans les ministères et les diverses officines du pouvoir.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Il faudrait donc voter, c’est-à-dire ramper devant quelques célébrités sénatoriales ou « ministrées », avaler la cigüe en consentant, se taire enfin et patienter jusqu’à ce que les spécialistes de l’asservissement général trouvent le dosage du poison nécessaire pour une soumission acceptable leur permettant de pérenniser l’horreur capitaliste. Il faudrait donc voter puisque c’est un acte républicain, mieux encore une consécration de la démocratie que nous devons à celles et ceux qui, de hautes luttes, ont acquis ce droit, et puis après tout il faut voter puisque désormais on vote partout dans les cadres que la domination impose.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Est-il nécessaire de dire que le mépris ne concerne pas ces glorieux combattants qui se sont battus pour le droit de vote et notamment celui des femmes, est-il nécessaire d’ajouter que leur victoire ne présageait en rien de la récupération que le pouvoir en a fait, est-il honteux de dire que voter aujourd’hui pour une élection aussi antidémocratique que la présidentielle est un contre-sens, à dire vrai l’exact contraire de ce que le peuple peut revendiquer au nom justement de la démocratie ?</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Et dans le même ordre, à quoi bon s’attarder sur les pitoyables prestations des uns et des autres, de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par toutes les niaiseries confortables et rassérénantes d’une gauche plurielle définitivement perdue.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Combien serons-nous à ne pas accepter cette imposture ? Combien serons-nous à considérer que notre ambition émancipatrice passe par la construction de liens dans les luttes futures ? Combien serons-nous à dire que ce monde dans lequel nous survivons est inacceptable, que nous voulons prendre nos affaires en main, que notre confiance est un partage dans le combat et la dynamique du renversement de l’État ? Combien serons-nous à cesser de revendiquer d’illusoires meilleures conditions d’exploitation, pour éveiller la conscience à la juste appréciation de l’activité générique ? Combien serons-nous à dire, à répéter que le salariat est la condition même de notre asservissement, que la transformation ne peut-être que radicale par la libre association des hommes et des femmes ? Combien serons-nous à dire que c’est bien d’une révolution sociale dont il s’agit ?</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Formulons l’idée, construisons l’événement.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center;" align="center"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Patrice Corbin</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center;" align="center"><span style="font-family: 'Times New Roman';"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">15 avril 2012</span></span></p>
Eugène Varlinhttp://critiquesociale.hautetfort.com/about.htmlMise au pointtag:critiquesociale.hautetfort.com,2012-03-29:46569952012-03-29T02:16:48+02:002012-03-29T02:16:48+02:00 Deux siècles de capitalisme et de nihilisme marchand ont abouti aux...
<p style="text-align: center;"><img id="media-3510951" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://critiquesociale.hautetfort.com/media/02/00/1442605448.jpg" alt="Im.Tiqqun-2.jpg" /></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 11.0pt; font-family: 'Times New Roman';">Deux siècles de capitalisme et de nihilisme marchand ont abouti aux plus extrêmes des étrangetés, à soi, aux autres, aux mondes. L’individu, cette fiction, se décomposait à la même vitesse qu’il devenait réel. Enfants de la métropole, nous faisons ce pari : que c’est à partir du plus profond dépouillement de l’existence que se déploie la possibilité, toujours tue, toujours conjurée, du communisme.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;">En définitive, c’est avec toute une anthropologie que nous sommes en guerre. Avec l’idée même de l’homme.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;">Le communisme donc, comme présupposé </span><em style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;">et</em><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;"> comme expérimentation. Partage d’une sensibilité </span><em style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;">et </em><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;">élaboration du partage. Évidence du commun </span><em style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;">et</em><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;"> construction d’une force. Le communisme comme matrice d’un assaut minutieux, audacieux, contre la domination. Comme appel et comme nom, de tous les mondes résistants à la pacification impériale, de toutes les solidarités irréductibles au règne de la marchandise, de toutes les amitiés assumant les nécessités de la guerre. </span><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt; font-variant: small-caps;">Communisme</span><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 11pt;">. Nous savons que c’est un terme dont il faut user avec précaution. Non pour la raison que, dans le grand défilé des mots, il ne serait plus à la mode. Mais parce que nos pires ennemis l’ont usé, et qu’ils continuent. Nous insistons. Certains mots sont comme des champs de bataille, dont le sens est une victoire, révolutionnaire ou réactionnaire, nécessairement arrachée de haute lutte</span></p><p style="text-align: center;"><span style="color: #800000;"><strong><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;">Télécharger le texte intégral</span></strong></span></p><p style="text-align: center;"><strong style="color: #800000;"><span style="font-family: 'times new roman', times; font-size: medium;"><a id="media-3510955" href="http://critiquesociale.hautetfort.com/media/01/02/2292741598.pdf">Mise au point.pdf</a></span></strong></p>
Eugène Varlinhttp://critiquesociale.hautetfort.com/about.htmlNe travaillez jamaistag:critiquesociale.hautetfort.com,2011-03-16:31469782011-08-09T18:53:03+02:002011-08-09T18:53:03+02:00 Guy Debord
<p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-2942002" style="margin: 0.7em 0;" src="http://critiquesociale.hautetfort.com/media/02/01/666663605.jpeg" alt="debord_inscription.jpeg" /></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: small;"><strong><span style="font-family: 'times new roman', times;">Guy Debord</span></strong></span></p><p> </p>
Eugène Varlinhttp://critiquesociale.hautetfort.com/about.htmlCharlie Bauer est décédétag:critiquesociale.hautetfort.com,2011-08-09:37374222011-08-09T18:43:05+02:002011-08-09T18:43:05+02:00 La révolution selon Charlie Bauer par bakchichinfo Charlie Bauer...
<p style="text-align: center;"><br /><a href="http://www.dailymotion.com/video/xfal8w_la-revolution-selon-charlie-bauer_news" target="_blank">La révolution selon Charlie Bauer</a> <em>par <a href="http://www.dailymotion.com/bakchichinfo" target="_blank">bakchichinfo</a></em></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; font-family: 'Times New Roman';">Charlie Bauer nous a quittés ce dimanche 7 août 2011. Notre plateforme <em>Critique sociale</em> souhaite lui rendre hommage. Au-delà des divergences, des différentes sensibilités, c'est à son combat pour l'émancipation que nous faisons référence, à la critique du "bureaucratisme" qu'il a toujours dénoncé avec véhémence et clairvoyance, notamment dans la dénonciation du stalinisme et de toutes ces dérives à peine voilées qui aujourd'hui perdurent. Attachés à l'idée fondatrice du communisme, nous laissons Charlie Bauer s'exprimer sur cette question dans le petit document audiovisuel ci-dessus. C'est bien sûr avec tristesse que nous lui disons : adieu camarade.</span></p><p style="text-align: justify; padding-left: 60px;"><strong><span style="font-family: times new roman,times;">Bibliographie</span></strong></p><p style="padding-left: 60px;"><span style="font-family: times new roman,times;"><em>Fractures d'une vie,</em> Seuil, puis Argone, 458 pages, 18 €.</span></p><p style="padding-left: 60px;"><span style="font-family: times new roman,times;"><em>Le redresseur de clous,</em> Cherche-Midi , 334 pages, 19 €</span></p><p style="text-align: center;"> <span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman';"><em>Critique sociale</em></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Patrice Corbin</span></p>
Eugène Varlinhttp://critiquesociale.hautetfort.com/about.htmlPolitique sans politique par Anselm Jappetag:critiquesociale.hautetfort.com,2011-03-07:31332802011-03-07T22:29:37+01:002011-03-07T22:29:37+01:00 Ce texte d’Anselm Jappe, daté de mars 2008, a au moins ce mérite, celui de...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Ce texte d’Anselm Jappe, daté de mars 2008, a au moins ce mérite, celui de ne pas être contredit par le cours du temps et de conserver toute sa valeur critique au regard de l’ « évolution » de la pensée (si pensée il y a) de ce que nous appelons avec tant d’emphase la gauche radicale. De la promesse d’un monde meilleur, à l’émergence d’une gestion bureaucratique du désastre général par les agents certifiés de la bureaucratie décroissante au service de la fausse conscience, force est de constater que ce monde organisé autour du règne toujours perfectible de la marchandise et de son abomination couronne l'emploi d’experts et de consciences molles participant activement à la falsification « de l’idée de vécu ». Le règne d’abondance de la bonne marchandise éco-estampillée relègue le concept de fétichisme identifié par Marx aux poubelles de l’histoire. La politique peut donc aisément se passer de toute historicité en promettant la séparation de tous avec chacun, ce qui pouvait être directement vécu doit être irrémédiablement déconstruit au profit de la négation de toute dynamique des réelles confrontations historiques. La pratique institutionnalisée de la politique est une des clauses principales du maintien en servitude, la pratique électorale en est l’illusion principielle. Les agents patentés des politiques de gauche et de droite sont les garants de cette posture de la contestation mobilisatrice pour le maintien de l’État et de ses institutions. <em>Critique sociale,</em> Patrice Corbin. </span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: large; color: #0000ff;"><strong>POLITIQUE SANS POLITIQUE<br /></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;"><em>Ce texte « Politique sans politique » d’Anselm Jappe, auteur de </em>Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur<em>, Denoël, 2003 et d’un </em>Guy Debord, Essai<em>, Denoël, 2001, est paru dans la revue </em>Lignes <em>no 25. Ce texte montre que l’État et la politique ne peuvent servir de moyens pour opposer à l’économique (on verra aussi Jacques Ellul, </em>L’illusion politique <em>et le no 5 des </em>Cahiers Jacques-Ellul<em>, éditions de L’esprit du temps, 2008). Ici avec Jappe, lecteur d’Albert Libertad, l’argumentation déconstruisant la politique est anarchiste mais surtout elle prend appui sur une critique de la « forme marchandise » qui nous a tous recouvert, contestataires, révolutionnaires (et on pense à la LCR et à son NPA...) comme réformistes et capitalistes.</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Au début, le « primat de la politique » était une idée chère au juriste du Führer, Carl Schmitt. Mais depuis longtemps, c’est la gauche « radicale » qui a lié son sort à un « retour de la question politique », où la « politique » est considérée comme étant en elle-même le contraire du « marché ». Cependant, il n’est pas facile de se convaincre que l’opposition au capitalisme, ou à ses dérives contemporaines, passe par ce que l’on appelle habituellement la politique. Il est évident que rien n’aurait changé si c’était Royal au lieu de Sarkozy. Mais même si les trotskistes, qui ont pris le relais des sociaux- démocrates devenus libéraux, allaient au pouvoir en France, ils n’ébranleraient pas le monde. En Allemagne, le « Parti du socialisme démocratique » participe à des gouvernements régionaux ; en Italie, Rifondazione comunista a ses ministres ; et même les Centri sociali italiens, souvent considérés comme la crème de l’antagonisme, peuvent fournir des adjoints au maire. Partout ces représentants de la gauche « radicale » finissent par cautionner des politiques néo-libérales. Faut-il alors fonder des partis « vraiment » radicaux qui ne s’enliseraient jamais dans le même bourbier ? Ou les raisons de ces « trahisons » sont-elles structurelles, et chaque participation à la politique conduit-elle inévitablement à se livrer au marché et à ses lois, indépendamment des intentions subjectives ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Il convient alors de poser une question préliminaire : qu’entend-t-on par le mot « politique » ? Il y a une confusion semblable à celle qui entoure le « travail » et sa critique. Critiquer le travail n’aurait aucun sens si on l’identifie avec l’activité productive en tant que telle, qui bien sûr est une donnée éternelle. Mais tout est différent si on entend par travail ce que le mot désigne effectivement dans la société capitaliste : la dépense auto- référentielle de la simple force de travail sans égard à son contenu. Ainsi conçu, le travail est un phénomène historique, appartenant à la seule société capitaliste et qui peut être critiqué et éventuellement aboli. En effet, le « travail » que tous les acteurs du champ politique veulent sauver, à gauche, à droite et au centre, est le travail dans ce sens restreint. De même, le concept de « politique » doit être clairement défini. Si on l’identifie avec l’agir collectif, avec l’intervention consciente des hommes dans la société, avec un « amour du monde » (Arendt), il est évident que personne ne saurait être contre, et une « critique de la politique » ne pourrait se concevoir que comme une simple indifférence au monde. Mais ceux qui prônent habituellement le « retour à la politique » ont une idée beaucoup plus spécifique de ce qu’est la « politique », dont la disparition supposée leur cause des crises d’abstinence si graves. L’évocation rituelle de la « politique » comme seule voie possible pour changer le monde est le pivot de la « gauche » actuelle, des sociologues bourdieusiens à Multitude, d’ATTAC à la LCR. Malgré l’intention affichée de faire une politique « complètement différente », ils retombent toujours dans le « réalisme » et le « mal mineur », participent aux élections, s’expriment sur les référendums, dissertent autours de l’évolution possible du Parti socialiste, veulent nouer des alliances, conclure quelque « compromis historique ». Face à ce désir de « participer au jeu » — et presque toujours en « représentant » de quelque « intérêt » — il faut rappeler les mouvements et moments d’opposition radicale qui ont plutôt fait de l’« anti-politique » : des anarchistes historiques aux avant-gardes artistiques, de certains mouvements dans le Sud du monde, tels que « Critica radical » à Fortaleza (Brésil), à la grève sauvage de mai 68 en France et à l’insubordination permanente dans les usines italiennes aux années 70. Cette « anti-politique » est aussi éloignée du renoncement à l’intervention consciente que l’« anti-art », le refus de l’art chez les dadaïstes, les surréalistes ou les situationnistes, qui n’était pas un refus des moyens artistiques, mais se concevait au contraire comme la seule façon de rester fidèle aux intentions originales de l’art.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Mais peut-on croire que la politique est la sphère sociale qui permettrait d’imposer des limites au marché ? La politique serait-elle par sa nature « démocratique » et opposée au monde économique capitaliste où règne la loi du plus fort ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">La société capitaliste moderne, basée sur la marchandise et la concurrence universelle, a besoin d’une instance qui se charge des structures publiques sans lesquelles même la société la plus farouchement antagoniste ne pourrait pas exister. Cette instance est l’État, et la « politique » au sens moderne (et restreint) est la lutte autour de son contrôle. Mais cette sphère de la politique n’est pas extérieure et alternative à la sphère de l’économie marchande, elle en dépend structurellement. Dans l’arène politique, on se dispute sur la distribution des fruits du système marchand — le mouvement ouvrier a joué essentiellement ce rôle —, mais non sur son existence elle- même. La preuve visible : rien n’est possible en politique qui ne soit d’abord « financé » par la production marchande, et là où cette dernière va à vau- l’eau, la politique se retransforme en ce qu’elle avait été à ses débuts : un choc entre bandes armées. Cette forme de « politique » est un mécanisme de régulation secondaire à l’intérieur du système fétichiste et non-conscient de la marchandise. Elle ne représente pas une instance « neutre », ni une conquête que les mouvements d’opposition auraient arrachée à la bourgeoisie capitaliste. Celle-ci n’est pas nécessairement hostile à l’État ou à la sphère publique — cela dépend de la phase historique.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Les tenants contemporains de la « politique » trahissent l’intention originale de l’« agir », parce qu’ils le réduisent à des ajustements d’une machine acceptée comme telle. Aujourd’hui, l’« agir » doit faire face à des situations qui sont bien trop graves pour être affrontées avec les vieux moyens de la politique. Le cadre est désormais celui d’une véritable mutation anthropologique qui est le résultat aussi bien de deux cents ans de capitalisme que de son autodestruction programmé devenue visible depuis quelques décennies. Cette régression va jusqu’à la barbarisation. Vis-à-vis de la multiplication des cas comme celui des adolescents qui filment en riant avec leur portable une compagne de classe qui vient d’être écrasée par un autobus, pour mettre ensuite les images sur Youtube, il est un peu court d’évoquer le chômage, la précarité ou les défauts de l’école : on est plutôt en train d’assister à une « régression anthropologique » généralisée (ce qui ne veut pas dire uniforme). Celle-ci semble être le fruit d’un profond détraquement psychique collectif, d’une psychose narcissique, conséquence du fétichisme de la marchandise et du rapport qu’il institue entre l’individu et le monde. Face à cette crise de civilisation, personne ne peut honnêtement proposer des remèdes qui marcheront d’ici à deux ans. Mais justement, parce que la situation est si grave, on renforce le mal si l’on réagit en disant : agissons vite et n’importe comment, il n’y a pas de temps pour discuter, la praxis vaut plus que la théorie. À l’époque du capitalisme financier et moléculaire, on ne peut pas se satisfaire des formes d’opposition de l’époque fordiste.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Une première condition pour renouer avec la perspective de l’agir est de rompre définitivement et nettement avec toute « politique » au sens institutionnel. Aujourd’hui, la seule « politique » possible est la séparation radicale d’avec le monde de la politique et de ses institutions, de la représentation et de la délégation, pour inventer à leur place de nouvelles formes d’intervention directe. Dans ce contexte, il paraît bien inutile de discuter avec des gens qui veulent encore voter. Ceux qui, presque 140 ans après l’introduction du suffrage universel, courent encore vers les urnes, ne méritent que les mots déjà prononcés en 1888 par Octave Mirbeau <em>[« Une chose m’étonne prodigieusement — j’oserai dire qu’elle me stupéfie — c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France [...] un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ? Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l’électeur moderne ? et le Charcot qui nous expliquera l’anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? [...] Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit. [...] Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. » — Exactement 120 ans après cet appel à la « grève des électeurs », il est encore possible, et nécessaire, de répéter les mêmes arguments. Sauf pour quelques noms, on pourrait imprimer le texte dont ces lignes sont extraites et le distribuer comme tract : personne ne s’apercevrait qu’il n’a pas été écrit aujourd’hui, mais aux débuts de la « IIIe République ». Visiblement, au cours de plus d’un siècle, les électeurs n’ont rien appris. Ce fait n’est pas, il est vrai, très encourageant.] </em>ou en 1906 par Albert Libertad <em>[« Le criminel, c’est l’électeur [...] Tu es l’électeur, le votard, celui qui accepte ce qui est ; celui qui, par le bulletin de vote, sanctionne toutes ses misères ; celui qui, en votant, consacre toutes ses servitudes [...] Tu es un danger pour nous, hommes libres, pour nous, anarchistes. Tu es un danger à l’égal des tyrans, des maîtres que tu te donnes, que tu nommes, que tu soutiens, que tu nourris, que tu protèges de tes baïonnettes, que tu défends de ta force de brute, que tu exaltes de ton ignorance, que tu légalises par tes bulletins de vote, — et que tu nous imposes par ton imbécillité. [...] Si des candidats affamés de commandements et bourrés de platitudes, brossent l’échine et la croupe de ton autocratie de papier ; si tu te grises de l’encens et des promesses que te déversent ceux qui t’ont toujours trahi, te trompent et te vendront demain : c’est que toi-même tu leur ressembles. [...] Allons, vote bien ! Aies confiance en tes mandataires, crois en tes élus. Mais cesse de te plaindre. Les jougs que tu subis, c’est toi-même qui te les imposes. Les crimes dont tu souffres, c’est toi qui les commets. C’est toi le maître, c’est toi le criminel, et, ironie, c’est toi l’esclave, c’est toi la victime. » — Voir : Albert Libertad, Le Culte de la charogne. Anarchisme, un état de révolution permanente (1897-1908), Agone, Marseille 2006.]</em>. La conquête du suffrage universel a été un des grands combats de la gauche historique. Cependant, l’électeur de droite est moins bête : il obtient vraiment le peu qu’il attend de ses candidats, même en dehors de tout programme électoral — par exemple, la tolérance envers l’évasion fiscale et les violations du droit de travail. Ses représentants ne le trahissent pas trop ; et l’électeur qui vote uniquement pour le candidat qui va embaucher son fils ou obtenir des grosses subventions pour les paysans de son canton est finalement l’électeur le plus rationnel. Est beaucoup plus imbécile l’électeur de gauche : jamais il n’a obtenu ce pour quoi il a voté, mais il persiste. Il n’obtient ni le grand changement ni les bribes. Il se laisse bercer par des seules promesses. Ainsi, les électeurs de Berlusconi en Italie ne sont pas dupes, ils ne sont pas simplement séduits par ses télévisions, comme ses adversaires veulent faire croire. Ils ont tiré des avantages limités, mais réels de son gouvernement (et surtout de son laisser-faire). Mais voter encore pour la gauche après qu’elle a été au gouvernement relève — ici on ne peut que donner raison à Mirbeau — du pathologique.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Le refus de la « politique » ainsi conçue n’est pas le fait d’un goût esthétisant pour l’extrémisme. Face à la régression anthropologique menaçante, faire appel au Parlement ressemble à la tentative de calmer un ouragan avec une procession. Les seules proposition « réalistes » — dans le sens où elles pourraient effectivement infléchir le cours des choses — sont du genre : abolir tout de suite, dès demain, toute la télévision. Mais est-ce qu’il y a un parti au monde qui oserait faire sien un tel programme ? Est-ce qu’on a pris dans les dernières décennies une seule mesure apte à entraver les progrès de la barbarie ? On répondra que de petits pas sont meilleurs que rien. Mais où a-t-on réalisé ces petits pas ? Il y a trente ans, les plus courageux proposaient d’instaurer une journée sans télévision par semaine. Aujourd’hui, il y a des centaines de chaînes accessibles. Si l’on n’a rien pu faire dans les dernières décennies pour empêcher une détérioration continuelle des choses, cela veut dire que les objectifs et les méthodes étaient erronés et qu’il faut tout repenser. Et il va de soi qu’on ne pourra pas le faire en ménageant le public, ni en passant à la télévision.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Il existe quelques exemples d’un agir anti-politique : les « faucheurs volontaires » anti-OGM, surtout ceux qui agissent la nuit, en renouant avec la tradition du sabotage plutôt qu’avec l’effet médiatique, ou les actions visant à mettre des appareils de surveillance et de contrôle biométrique hors d’état de nuire. On pourrait également citer les habitants de la Val di Susa, dans les Alpes italiennes, qui ont empêché, fin 2005, la construction d’une ligne de TGV dans leurs montagnes. Cette prévalence de luttes « défensives » ne signifie pas nécessairement l’absence d’une perspective universelle. Au contraire, ces luttes contre les pires des « nuisances » aident à tenir ouverte cette perspective. Il faut au moins sauvegarder la possibilité d’une émancipation future face à la déshumanisation opérée par la marchandise qui risque d’empêcher à jamais toute alternative. Ici, de nouveaux fronts et de nouvelles alliances pourront se constituer. Il y a des sujets, comme l’expropriation des individus de leur propre reproduction biologique, publicisée sous le nom de « techniques de fécondation artificielle », où les positions de la gauche moderniste sont en syntonie si complète avec les délires de toute-puissance technologique du capitalisme contemporaine que les prises de position du Pape assument en revanche un air de rationalité. Le contraire de la barbarie est l’humanisation. Ce concept est bien réel, mais difficile à cerner. Une « politique » possible serait aujourd’hui la défense des petits progrès faits historiquement dans l’humanisation et l’opposition à leur abolition. Le capitalisme contemporain n’est pas seulement cette injustice économique qui reste toujours au centre des débats ; et même la catastrophe écologique qu’il cause ne clot pas la liste de ses méfaits. Il est également un démontage — une « déconstruction » — des bases symboliques et psychiques de la culture humaine, visible surtout dans la déréalisation opérée par les médias électroniques ; par rapport à cette dimension du problème, il reste sans importance que ce soit Sarkozy ou Royal, Besancenot ou Le Pen à occuper le petit écran.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">La pratique reste à réinventer, sans céder à l’injonction de « faire quelque chose, et tout de suite » qui pousse toujours à la réédition des formes déjà vues et déjà échouées. Le véritable problème est l’enfermement général — qui est surtout mental — dans des formes d’existence fétichistes, aussi bien chez les partisans que chez les adversaires présumés du système de la marchandise <em>[D’ailleurs, une des nouvelles données à laquelle la praxis anticapitaliste doit se confronter aujourd’hui réside dans le brouillage des frontières entre partisans et adversaires du système et dans la diffusion des bribes de pensée critique chez de nombreux individus qui participent en même temps pleinement à la marche du monde : ils lisent Marcuse et travaillent dans la publicité, ils gèrent des entreprises et donnent de l’argent pour les zapatistas, ils se déclarent anarchistes et font des carrières administratives... Il faut bien vivre, mais on ne veut pas être dupe. Il s’agit d’une véritable « mithridatisation » contre les prises de conscience capables de déranger une existence.]</em>. Lutter pour rompre ces formes ancrées dans toutes les têtes, enlever à l’argent et à la marchandise, à la concurrence et au travail, à l’État et au « développement », au progrès et à la croissance leur air d’innocence et d’évidence relève de ces « luttes théoriques » qui se situent au-delà de l’opposition figée entre « théorie » et « praxis ». Pourquoi l’analyse de la logique de la marchandise, ou du patriarcat, serait-elle « seulement de la théorie », tandis que la première grève pour les salaires, où la première manifestation d’étudiants qui protestent parce que l’Université ne les prépare pas assez bien au marché de travail, seraient, elles, considérées comme de la « praxis » ou de la « politique » ?</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Avant d’agir, les hommes pensent et sentent, et la manière dont ils agissent dérive de ce qu’ils pensent et sentent. Changer la manière de penser et de sentir des hommes est déjà une forme d’agir, de praxis. Une fois qu’il y a une véritable clarté, au moins chez une minorité, sur les buts de l’agir, la réalisation peut venir très vite. Il suffit de penser à Mai 68, arrivé apparemment comme une surprise, mais préparé silencieusement par des minorités clairvoyantes. En revanche, on a vu souvent — et plus que jamais dans la Révolution russe — où mènent même les plus grandes occasions d’agir lorsqu’il a manqué une véritable clarification théorique préliminaire. Une clarification qui ne se déroule pas nécessairement dans les livres et les colloques, mais qui doit être présente dans les têtes. Au lieu d’identifier la politique avec les institutions publiques de la société marchande, on peut identifier la politique avec la praxis en général. Mais cette praxis, il ne faut pas l’opposer abstraitement à la théorie. La théorie dont il est question ici n’est pas la servante de la praxis, ni sa préparation, mais en est une partie intégrale. Le fétichisme n’est pas un ensemble de fausses représentations ; il est l’ensemble des formes — telles que l’argent — dans lequel la vie se déroule réellement en conditions capitalistes. Chaque progrès dans la compréhension théorique, de même que sa diffusion, est donc en lui-même un acte pratique.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Bien sûr, cela ne saurait suffire. Les formes futures de praxis seront assurément assez diversifiées, et comprendront également des luttes défensives au niveau de la reproduction matérielle (comme celles contre la précarisation du travail et contre la destruction de l’État social). S’il faut rompre avec les « politiques » qui se proposent seulement de défendre les intérêts en forme marchande des catégories sociales constituées par la logique fétichiste elle-même, du genre « pouvoir d’achat », il reste néanmoins nécessaire d’empêcher le développement capitaliste de ravager les bases de survie de grandes couches de la population, notamment en générant des nouvelles formes de misère qui sont souvent dues plutôt à l’exclusion qu’à l’exploitation — en effet, être exploité devient presque un privilège par rapport à la masse de ceux qui ont été déclarés « superflus », parce que « non rentables » (c’est-à-dire non utilisables d’une manière rentable dans la production marchande). Mais les réactions des « superflus » sont très diversifiées et peuvent tendre elles-mêmes à la barbarie. Être victime ne donne aucune garantie d’intégrité morale. Une vérité s’impose donc plus que jamais : le comportement des individus devant les vicissitudes de la vie capitaliste n’est pas le résultat mécanique de leur « situation sociale », de leurs « intérêts » ou de leur provenance géographique, ethnique ou religieuse, ni de leur genre ou de leurs orientations sexuelles. Face à la chute du capitalisme dans la barbarie, on ne peut prédire de personne comment elle réagira. Cela n’est pas le fait de la prétendue « individualisation » généralisée dont les sociologues ne cessent de chanter les merveilles pour ne pas devoir parler de la standardisation accrue qu’elle recouvre. Mais les lignes de partage ne sont plus celles créées par le développement capitaliste. De même que la barbarie peut surgir partout, dans les lycées finlandais et dans les bidonvilles africains, chez les bobos et chez les banlieusards, chez les soldats high-tech et chez les insurgés à mains nues, même la résistance à la barbarie et la poussée vers l’émancipation sociale peuvent naître partout (mais avec combien plus de difficulté !), même là où l’on ne l’attendait pas. Si aucune catégorie sociale n’a correspondu aux projections de ceux qui cherchaient le porteur de l’émancipation sociale, en revanche, des oppositions aux conditions inhumaines de la vie sous le capitalisme surgissent toujours à nouveau. Ce paysage plein de faux amis et de secours inespérés constitue le terrain, forcément peu lisible pour le moment, où toute « recomposition politique » doit se placer maintenant.</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Anselm Jappe, mars 2008</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;"><em>L’En dehors</em></span></p>
Eugène Varlinhttp://critiquesociale.hautetfort.com/about.htmlLes valises diplomatiques d'Occidenttag:critiquesociale.hautetfort.com,2011-03-01:31243492011-03-07T20:35:11+01:002011-03-07T20:35:11+01:00 LES VALISES DIPLOMATIQUES D’OCCIDENT De la Révolution de jasmin au...
<p style="text-align: center;"><span style="color: #0000ff;"><strong><span style="font-family: times new roman,times; font-size: large;">LES VALISES DIPLOMATIQUES D’OCCIDENT</span></strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: medium; color: #0000ff;">De la Révolution de jasmin au soulèvement des peuples du Maghreb</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">L’insurrection des peuples du Maghreb n’a pas tardé à soulever un sursaut d’enthousiasme chez ceux-là mêmes qui soutenaient les régimes dictatoriaux de la région. On se gorge, on se repait aujourd’hui du discours « droit de l’hommiste », on s’indigne (c’est à la mode, le succès de librairie du texte de Stéphane Hessel en dit long, et le vide sidéral qui le caractérise en termes d’analyse de la soumission de masse, de la servitude générale se passe de commentaires), des horreurs commises en Tunisie, Égypte, Libye, etc. Les thuriféraires de la bonne conscience occidentale, complices de ces régimes, n’ont de cesse de glorifier ces soulèvements au nom de la démocratie, de la liberté iront-ils jusqu’à dire. Nos champions gestionnaires de la misère techniquement organisée veulent croire ou faire croire que la tenue d’une consultation par les urnes est la seule chance de mettre fin au mouvement insurrectionnel, au-delà légitimer l’économie de marché pour un développement durable du désastre, rétablir une apparente cohérence des flux financiers, bref parachever au nom de la démocratie une exploitation de masse mieux consentie, puisqu’approuvée par un scrutin dont on peut d’ores et déjà se demander en quoi il relève de la geste démocratique au regard du maintien des élites qui, tortionnaires hier, deviendraient subitement quelque chose comme des représentants du peuple aujourd’hui. Bref la volonté d’une occidentalisation à marche forcée, par la primauté d’un néo-colonialisme que l’on se garde bien de commenter, devrait combler ceux qui, aujourd’hui, se sont soulevés contre la dictature des tyrans, notre vœu le plus cher étant de les soumettre encore davantage à la dictature marchande, c’est uniquement cette folle organisation du monde que nous défendons. Nos penseurs étatiques s’accommodent fort bien de l’idée de démocratie dès lors que celle-ci est rendue inconnaissable, dès lors qu’elle est soustraite à l’idée que les peuples sont susceptibles de prendre leur destin, leur vie en main et d’organiser la société sur la base des besoins réels, sur la base d’une production humaine au service de la vie historique, non au service des techno-sciences, structures et organismes de l’asservissement par le développement de l’hyperspécialisation, le tout couronné par le règne général de la police de la pensée que Georges Orwell dénonçait en son temps et qui aujourd’hui a envahi la totalité de ce que nous avons de plus en plus de mal à appeler l’humanité.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Mais il faut absolument que l’indignation l’emporte sur toute forme de révolte, toute pratique de l’autonomie révolutionnaire, quand elle ne la provoque pas. Encore une fois, les prélats de la démocratie dite « participative » se congratulent au niveau des États et plus largement de l’Europe et de l’ensemble du monde pour contenir, rendre caduc tout projet révolutionnaire dont le mouvement réel passe par la destruction de l’État et de ses institutions et qui ne se limite pas au renversement de régimes dictatoriaux, ou repérés comme tels, mais produit par sa pratique la dynamique qui conduit à la destruction de toutes les aliénations organiquement liées au Léviathan capitaliste armé de sa logistique techniciste, scientifique et policière.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Toute forme de contestation est immédiatement récupérable, celle-ci se transforme en son contraire dès lors qu’elle est traitée avec opiniâtreté par les spécialistes du pouvoir (politiciens, sociologues, journalistes et autres experts de l’organisation de la servitude et de son maintien) sur le mode d’un consensus général dans le cadre du parlementarisme institutionnel. Ainsi que le soulignent ceux de Tarnac dans un texte intitulé : <em>Une proposition politique des mis en examen de Tarnac, </em>paru le 24 février 2011 dans le journal <em>Le Monde </em>(nous reproduisons en annexe l’intégralité du document), <em>« Il n’en reste pas moins que les doctrines contre-insurrectionnelles – l’art d’écraser les soulèvements – sont désormais la doctrine officielle des armées occidentales, qu’il s’agisse de les appliquer en banlieue ou dans les centres-ville, en Afghanistan ou place Bellecour à Lyon. » </em>Écraser les soulèvements insurrectionnels, organiser le pourrissement et proclamer solennellement notre soutien aux peuples en lutte en les déclarant mûrs à devenir des électeurs afin de mieux définir une stratégie d’enlisement des conseils populaires autonomes, voilà le credo des puissants ; ainsi réduire et pour finir anéantir toute idée selon laquelle seul le peuple est en mesure de choisir son propre avenir en se débarrassant de toute contrainte représentative qui ne rendrait pas compte de sa volonté. Alors même que la bonne conscience indignée flirte de manière soft, il est vrai, « droit de l’homme » oblige, avec l’organisation de la répression contre-insurrectionnelle, la tendance incline à mettre en place – et toujours dans les termes d’une répétition générale, ce mouvement fut repéré il y a déjà bien longtemps –, dans les petites consciences citoyennistes, toutes les catégories du mensonge de la domination pour instaurer globalement l’idéologie de la peur. La menace terroriste est à cet effet une garantie de maintien et de justification de toutes les ressources policières, de toutes les répressions accréditant la création de cellules anti-terroristes toujours plus performantes et dont le travail consiste à criminaliser systématiquement toute remise en cause du système. Ceux de Tarnac et d’autres sont les exemples vivants de cette machination du pouvoir dont les ingrédients sont la diabolisation justifiant arrestation et incarcération. Pour ce faire, le recours au mensonge et à la fabrication de fausses preuves est monnaie courante, pratique admise et caractérisée depuis longtemps, c’est ainsi que, par exemple, l’on peut emprisonner Julien Coupat et nombre de ses amis sans avoir à produire la moindre preuve de quoi que ce soit, sur le simple fait que le soupçon reste et demeure suffisant et permet donc, au nom de la sécurité intérieure, de se constituer en preuve. Les preuves se fabriquent et le soupçon devient preuve à l’instar du mensonge devenu vérité dans la pensée ô combien actuelle de Georges Orwell. L’utilisation de la menace terroriste comme justification à la répression systématique de tout soulèvement ou action subversive est révélatrice de la fragilité des pouvoirs qui n’ont désormais d’autres moyens pour entretenir l’illusion de leur nécessité incontournable à la marche du monde, mais un pouvoir se renverse en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire lorsque les peuples décident de prendre en main leur destin, s’emploient à redéfinir les besoins réels ; lorsque les peuples se placent sur le terrain des « véritables divisions historiques ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Mais qu’est-ce un monde où la déficience de la pensée et l’impéritie de ces petits soldats de la contestation s’en remettent à des pantalonnades telles que la « révolution par les urnes », cette emphatique antienne qui s’épanouit tel un coquelicot, dont l’éphémère n’est qu’une image, et qui se dilue avec force conviction dans l’idéologie d’une radicalité contrôlée par les tribuns de la gauche de « gôche ». Cette inflexion du sens, ce retournement du sens de la dynamique révolutionnaire est à n’en pas douter le crédit en soutien et en acte, et sans l’ombre de la simple apparence, aux pouvoirs, qu’ils soient dictatoriaux – entre les mains de « princes » dictateurs – ou dans le contexte plus diffus de la généralisation de la dictature marchande.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Que l’histoire balbutiante ne nous permette pas de faire des projections sur l’intensité avec laquelle les révoltes des peuples du Maghreb feront chapitre dans l’histoire de l’émancipation, ne nous empêche pas de regarder avec lucidité l’ampleur des moyens anti-insurrectionnels que les pays occidentaux de concert avec les États-Unis mettent en place, avec l’assentiment de la soi-disant raison du parlementarisme démocratique, pour asservir l’ensemble des peuples au seuil d’une révolution sociale. Les laboratoires expérimentaux de la répression sont fonctionnels et les élites policières de combat antiguérilla s’exercent à l’écrasement de tout soulèvement sur le terrain même de nos banlieues, ces « terres » de survie que le républicanisme nauséabond qualifie de « zones de non-droit ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Les amis d’hier deviennent les ennemis criminels d’aujourd’hui et le mensonge s’instruit en vérité, de scoops en communiqués et de déclarations verbeuses en démentis régulés par la faconde médiatico-parlementaire, nous assistons depuis plusieurs semaines aux pantomimes de droite et de gauche, les uns à leur corps défendant ou dans le repentir condescendant, les autres dans l’invective servant de tremplin pour l’échéance de la très dérisoire et très inutile élection de 2012. La compassion symptomatique et la culpabilité retenue des gouvernants qui jouent du clairon en se déclarant responsables mais pas coupables ne masquent pas leur véritable préoccupation immédiate, à savoir la gestion des flux migratoires liés à la situation insurrectionnelle des pays du Maghreb, gestion qui s’appuie sur une politique longuement éprouvée, qui consiste en un rejet pur et simple de tout statut d’exilé politique et qui renvoie la notion d’asile à ce qu’elle a de plus abjecte, à savoir l’exclusion par le maintien en détention ou sous haute surveillance. C’est de cet asile-là que le pays des droits de l’homme s’arrange aujourd’hui, au nom de la sécurité et du maintien de l’ordre. Sauf à considérer qu’une clause particulière pourrait enfreindre cette loi d’airain mais seulement dans sa version spectaculaire où, par l’artifice de la reconnaissance, un « bon » Arabe serait promu au rang de héros emblématique, mais il faudrait au moins qu’il soit Prix Nobel, ce n’est pas gagné. Fermer nos frontières au nom de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme, c’est aujourd’hui un sujet de préoccupation qui anime les petites consciences désemparées devant le courage des peuples du Maghreb en lutte.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Ce n’est pas se retrancher derrière la facilité de l’amalgame que prétendre que les raisons d’une insurrection généralisée sont aujourd’hui évidentes, mais l’évidence ne tient malheureusement pas lieu de faits. Les peuples du Maghreb ont renversé les Ben Ali, Moubarak, bientôt Kadhafi, l’onde de choc réussira-t-elle à traverser la Méditerranée pour renverser les Sarkozy, Merkel, Berlusconi et consorts. Le vent de la révolte porte les germes des révolutions à venir.</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Le 28 février 2011</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: times new roman,times; font-size: small;">Patrice Corbin<em> </em></span></p>